Loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 – Décision du 16 décembre 2021 du Conseil constitutionnel

27 dispositions de la loi déférée comme « cavaliers sociaux », c’est-à-dire comme ne relevant pas du champ des lois de financement de la sécurité sociale défini à l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale ont été censurées par le Conseil constitutionnel suite à sa saisine par 60 sénateurs, ce qui ne préjuge pas comme le rappelle le communiqué de presse accompagnant sa décision « de la conformité de leur contenu aux autres exigences constitutionnelles. Il est loisible au législateur, s’il le juge utile, d’adopter à nouveau de telles mesures, dont certaines apparaissant au demeurant susceptibles d’être déployées sans attendre son éventuelle intervention ».

Le Ministère des solidarités et de la santé dans son propre communiqué de presse évoque d’ailleurs une censure « pour des motifs de procédure » et précise que si « la très grande majorité de dispositions introduites par amendement parlementaire (..) ne respectent pas le cadre constitutionnel du domaine d’intervention possible des lois de financement de la sécurité sociale, notamment car elles n’ont pas ou peu d’effet sur les dépenses ou les recettes de la sécurité sociale « , « aucune disposition n’a été censurée pour des motifs de fond. »

S’en suit, dans le même communiqué du Ministère des solidarités et de la santé avant de conclure sur une LFSS pour 2022 qui porte « une ambition forte de transformation dans l’accès aux soins, le soutien des personnes âgées pour leur autonomie, l’innovation pharmaceutique, le financement des établissements de santé, l’amélioration de la protection sociale des travailleurs indépendants… Ambition d’autant plus nécessaire pour se projeter au-delà des difficultés persistantes liées à la crise sanitaire », une présentation des principales avancées de ce PLFSS reposant sur :

🔹 Une trajectoire financière a « revue pour prendre en compte l’effet des dernières prévisions économiques, plus favorables que celles de septembre mais aussi pour abonder les financements de l’assurance maladie et de la branche autonomie afin de tenir compte des surcoûts supplémentaires liés à la crise covid et à l’élargissement des mesures de revalorisation salariale du Ségur de la santé » avec un « ONDAM 2021 relevé de 1,7Md€ au cours des débats parlementaires, l’ONDAM 2022 de 0,5Md€ ».

🔹 Un accès aux soins « amélioré par des amendements sur la prise en charge par l’assurance maladie des consultations des psychologues, sur l’accès direct à certains professionnels de santé (orthophonistes, masseurs-kinésithérapeutes après avoir prévu dans le texte initial l’accès direct aux orthoptistes), sur l’obligation d’un entretien postnatal précoce ».

🔹 Une réforme de l’autonomie  » enrichie pour renforcer les mesures en faveur du maintien à domicile ».

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Retour sur les dispositions censurées et non censurées

1) Parmi les 27 dispositions censurées, nous avons retenu :

◼️ Mesures de contention ou d’isolement: l‘article 41 vient modifier les conditions dans lesquelles sont exécutées les mesures de contention ou d’isolement appliquées à des personnes hospitalisées sans leur consentement, et notamment les cas dans lesquels le juge des libertés et de la détention doit être saisi pour les renouveler au-delà de certaines durées.

Selon le Conseil constitutionnel « ces dispositions n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution. »

◼️Régulation des centres de santé : « l’article 70, qui soumet à de nouvelles obligations l’activité des centres de santé exerçant dans les domaines dentaire ou ophtalmologique, n’a pas d’effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement.

Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution ».

◼️Mise à disposition de l’accès gratuit au « guide du bon usage des examens d’imagerie médicale » : « l’article 75, qui prévoit les conditions dans lesquelles peut être expérimentée la prise en charge des frais occasionnés par la promotion et la mise à disposition de l’accès gratuit au guide du bon usage des examens d’imagerie médicale au sein de l’espace numérique des médecins généralistes, n’a pas d’effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement.

Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution ».

◼️Campagnes d’information afin de promouvoir, de communiquer et d’informer sur les compétences des sages-femmes : « l’article 87, qui se borne à prévoir que la Caisse nationale d’assurance maladie met en œuvre des campagnes d’information sur les compétences des sages-femmes, n’a pas d’effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement.

Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, pour utiles qu’elles puissent être, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution ».

◼️ Services numériques pour l’application du tiers payant intégral au panier 100% santé : « l’article 90, qui prévoit que les organismes d’assurance maladie complémentaire mettent à la disposition des professionnels de santé des services numériques en vue de l’application du dispositif du tiers payant sur certaines prestations en matière d’optique, d’audiologie et de soins dentaires, ne modifie pas les conditions selon lesquelles est assuré le paiement de la part des rémunérations prise en charge par les régimes obligatoires de base d’assurance maladie.

Dès lors, ces dispositions n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses et sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement. Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Elles ne trouvent donc pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et sont contraires à la Constitution ».

◼️ Information des patients et transmission de données personnelles aux professionnels de santé par les organismes de sécurité sociale : « l’article 95, qui organise le partage de certaines informations entre l’assurance maladie et les professionnels de santé et vise à améliorer l’information des assurés, n’a pas d’effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement.

Ces dispositions ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution ».

◼️ Rapport visant à présenter l’avancement de la révision des actes hors nomenclature et de leur financement : l’article 63 prévoit que, dans un délai d’un an à compter de sa promulgation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la révision des actes hors nomenclature et leur financement.

Ces dispositions n’ont pas pour objet d’améliorer l’information et le contrôle du Parlement sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale au sens des dispositions du 4 ° du C du paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Elles sont donc contraires à la Constitution.

◼️ Dématérialisation et transmission électronique des documents permettant la prise en charge des soins, produits et prestations (paragraphe II de l’article 37), expérimentation de plateformes d’appui gériatriques aux ESMS (article 48), Obligation d’accréditation pour les organismes procédant à l’évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux (article 52), certification obligatoire pour les prestataires de service et distributeurs de matériel ( article 72 modifiant le calendrier de mise en place, par la Haute autorité de santé, d’un référentiel de bonnes pratiques et de la certification obligatoire des prestataires de service et des distributeurs de matériels destinés à favoriser l’autonomie et le retour à domicile) .

Chacune de ces dispositions n’a pas d’effet ou a un effet trop indirect sur les dépenses ou les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement et n’est pas relative aux modalités de recouvrement des cotisations et contributions affectées à ces régimes et organismes, ni aux règles portant sur la gestion des risques par ces mêmes régimes ou organismes. Elles ne relèvent pas non plus des autres catégories mentionnées au paragraphe V de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale. Dès lors, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale. Sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adoptée selon une procédure contraire à la Constitution, chacune d’entre elles lui est donc contraire.

2) Parmi les dispositions déférées mais non censurées au regard de leur incidence attendue sur les dépenses d’assurance maladie, ces dispositions trouvant leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale et ayant été adoptées selon une procédure conforme à la Constitution :

◼️ Autorisation des orthoptistes à réaliser certains actes en accès direct et à établir certaines prescriptions (article 68).

◼️ Expérimentation de l’accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes (article 73) – Expérimentation de l’accès direct aux orthophonistes (article 74). Ces articles prévoient que l’État peut autoriser, à titre expérimental, respectivement les masseurs-kinésithérapeutes et les orthophonistes à exercer leur art sans prescription médicale pour une durée de trois ans et dans six départements.

◼️ Expérimentation de la primo-prescription par les infirmiers exerçant en pratique avancée pour des prescriptions médicales obligatoires (article 76). Cet article prévoit, à titre expérimental, que les IPA peuvent réaliser certaines prescriptions médicales.

◼️ Réalisation obligatoire d’un entretien postnatal précoce (article 86). Instauration à compter du 1er juillet 2022, d’un entretien postnatal précoce obligatoire. La création d’un entretien postnatal précoce obligatoire, pris en charge par l’assurance maladie, distinct des examens prénataux et postnataux obligatoires et destiné à l’ensemble des femmes ayant accouché, a une incidence sur les dépenses de l’année et des années ultérieures des régimes obligatoires de base qui affectent directement leur équilibre.

Pour aller plus loin:

Décision n° 2021-832 DC du 16 décembre 2021

Communiqué de presse du Ministère des Solidarités et de la santé suite à la Décision du Conseil constitutionnel du 16 décembre 2021

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Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 : Examen en Commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale ces 13 et 14 octobre 2020

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 : Examen en Commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale ces 13 et 14 octobre 2020

Le PLFSS pour 2021 a été présenté en Conseil des ministres le 7 octobre dernier par Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, par Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé et par Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics.

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 7 octobre dernier, ce projet va être examiné par la Commission des affaires sociales ces 13 et 14 octobre, l’audition des ministres concernés étant intervenue.

Au titre des mesures ayant retenu particulièrement notre attention :

  • Contribution au financement de la prime COVID pour les personnels des services d’aide et d’accompagnement à domicile – article 4
  • Revalorisation des carrières des personnels non médicaux dans les établissements de santé et les EHPAD – article 25
  • Relancer l’investissement pour la santé article 26

Ce plan de 6 milliards d’euros s’inscrit dans le plan de relance de l’économie. Financements identifiés: projets hospitaliers prioritaires et d’investissement de type « ville- hôpital », numérique en santé,  transformation, rénovation et équipements des établissements médico-sociaux au titre de l’investissement numérique. 

  •  Dotations aux établissements de santé assurant le service public hospitalier article 27

Cet effort représente un montant d’environ 13 milliards d’euros.

L’octroi de ces financements est annoncé comme devant se faire dans le cadre d’une décision partagée avec les acteurs du territoire afin de maintenir une sélectivité des investissements apportant une amélioration de l’offre de soins sur les territoires. Les crédits équivalents au refinancement d’un tiers de la dette des établissements assurant le service public hospitalier afin de leur redonner rapidement les moyens d’investir.

  • Poursuite de la réforme du financement des établissements de santé article 28

Ce qui esvisé par cet article c’est un ajustement du calendrier de travail d’un certain nombre de réformes telles que celles portant sur la réforme du ticket modérateur en psychiatrie et SSR, la période de transition du nouveau modèle de financement des activités de SSR, la transition vers le modèle de financement des hôpitaux de proximité, les expérimentations sur les règles d’organisation et de financement des transports sanitaires urgents préhospitaliers, la réforme du financement des centres de lutte contre la tuberculose ou encore la réforme des contrats d’amélioration de la qualité en établissement de santé.

Cet article vise également à compléter la réforme du modèle de financement des structures des urgences engagée par la précédente LFSS. Il modifie les règles de participation des assurés qui passent aux urgences sans être hospitalisé (cf. forfait patient urgences dont il a été beaucoup fait mention ces derniers temps dans la presse).

Il vise enfin à clarifier les règles de fonctionnement de financement des hôpitaux de jour

  • Expérimentation du modèle mixte de financement des activités de médecinearticle 29

La mesure proposée permet d’expérimenter sur 5 ans un nouveau mode de financement de l’activité de médecine à l’échelle territoriale combinant une part de financement à l’activité, une part de financement dit populationnelle et une part de financement à la qualité.

Dès 2021, et afin d’engager les établissements de santé dans la démarche, ceux-ci pourront bénéficier pour une part de leur financement, d’une dotation socle, en lieu et place de la T2A, dont le pourcentage devrait être déterminés par décret.

Ce « droit d’option » sera contractualisé avec les ARS sur des objectifs de qualité des prises en charge, de réponse aux besoins du territoire et de participation aux travaux d’expérimentation relatif au modèle cible de financement

  • Pérennisation et développement des maisons de naissancearticle 30

Les résultats positifs atteint par les 8 structures implantées dans 6 régions (Île-de-France, Occitanie, Auvergne Rhône-Alpes, Grand-Est, Guadeloupe, La Réunion) et qui ont fait l’objet d’un rapport au Parlement cet été ont conduit le gouvernement à décider de leur pérennisation et de leur développement.

Ce dernier se fera en tenant compte du besoin local avec une montée en charge de ces maisons de naissance progressive (mesure lissée sur 2 ans) pour atteindre 20 structures à échéance de fin 2022

  • Soutien au développement des hôtels hospitaliers article 31

Ces hébergements non médicalisés de patients en amont ou en aval de leur prise en charge hospitalière ont fait l’objet d’une expérimentation menée depuis 2015, laquelle a fait l’objet d’un rapport remis au Parlement en Juin 2020.

Cette expérimentation a permis de mettre en exergue des enjeux en termes de santé publique, d’amélioration des organisations ou encore d’économie direct pour l’assurance maladie qui conduisent conformément aux conclusions du Ségur de la santé a proposé un élargissement de ce dispositif

  • Prise en charge intégrale par l’assurance maladie obligatoire des téléconsultations article 32

 Afin d’accompagner l’essor de cette pratique, proposition d’un prolongement jusqu’à la fin de l’année 2021 de la mesure dérogatoire de prise en charge à 100 % de ces téléconsultations formalisée et ce aux fins de laisser le temps aux partenaires conventionnels de redéfinir les conditions du recours à cette pratique et aux professionnels de santé de s’équiper des outils et solutions techniques permettant sa gestion dans le droit commun

  • Adaptation du dispositif de prise en charge exceptionnelle par l’assurance maladie en cas de risques sanitaires gravesarticle 36
  • Renforcement de la qualité des prestations de soins à domicilearticle 39

 Le rapport de l’IGAS de janvier 2020 relatif aux missions des prestataires de service et distributeurs de matériel a mis en exergue plusieurs constats qui nécessiteraient des évolutions législatives pour renforcer les garanties de qualité, de bonne pratique et de bonne usage des ressources publiques.

L’article 39 vise à faire évoluer et renforcer le mécanisme de conventionnement déjà existant entre les prestataire et l’assurance maladie.

La certification qualité de ces prestataires de service deviendra une condition d’accès préalable à l’enregistrement et au conventionnement. Au-delà de l’accès au tiers payant, l’accès à la prise en charge des patients sera conditionnée à l’obtention de cette certification qualité

  • Isolement et contentionarticle 42

Il s’agit par cet article 42 de tirer les conséquences de la décision 2020- 844 QPC du 19/6/2020 du Conseil constitutionnel laquelle avait déclaré l’article L 3222- 5- 1 du code de la santé publique comme contraire à la constitution et ainsi venir fixer des durées maximales pour l’isolement et là contention qui soit comme recommandation de la haute autorité de la santé et en instaurant et précisant les modalités du contrôle du juge des libertés et de la détention sur ces mesures

Nous nous attacherons dans ces pages à vous retranscrire au plus près de l’actualité le sort de ces articles au gré des différents amendements, débats, votes intervenant au sein des différentes Commissions, séances publiques se tenant à l’Assemblée Nationale comme au Sénat.

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