Du FMESPP au FMIS

Du FMESPP au FMIS


Structures d’exercice coordonné – Etablissements et services médico-sociaux – Interopérabilité des logiciels informatiques

 

Créé par l’article 26 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, se substituant au Fonds pour la modernisation des établissements de santé prévu par l’article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le Fonds de Modernisation des Etablissements de Santé Publics et Privés (FMESPP) a jusqu’à présent eu pour mission d’accompagner les établissements de santé et les groupements de coopération sanitaire pour leurs dépenses relatives à l’investissement.

Ainsi et depuis 2014, près de 90 % des crédits délégués par le FMESPP ont été orientés vers deux postes : les investissements immobiliers liés aux projets validés en COPERMO, à hauteur de 69 % des dépenses, et le plan hôpital numérique, à hauteur de 19 % du fonds[i].

Le Ségur de la santé, dont les conclusions ont été rendues le 20 juillet 2020 puis le plan « France Relance » présenté par le Gouvernement le 3 septembre dernier sont venus  entériner l’engagement politique pris du déploiement d’un plan d’investissement de 6 milliards d’euros en faveur de la santé, au-delà du seul secteur sanitaire.

Ce plan d’investissement annoncé comme ayant pour vocation de répondre à une logique décloisonnée et transversale doit non seulement concerner les établissements de santé mais également le secteur médico-social, et en priorité les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Afin de servir de support à l’allocation des aides à l’investissement s’inscrivant dans le cadre de ce plan massif d’investissement proposition va être faite dans le cadre du PLFSS 2020 pour 2021 de créer un fonds transversal d’investissement dédié à l’accompagnement de la transformation du système de santé par extension des missions du FMESPP, emportant changement de sa dénomination au bénéfice de celle de Fonds pour la Modernisation et l’’Investissement en Santé (FMIS), sans modification de son mode de fonctionnement et de délégation des crédits.

Evolution du FMESPP en FMIS 

L’évolution de la forme juridique du FMESPP  induit, comme évoqué précédemment, un changement dans sa dénomination mais aussi de ses principes et fondements par la voie de l’introduction d’un article 26 au PLFSS dans sa version déposée sur le bureau de l’Assemblée Nationale lequel vient donner corps à :

− L’extension des missions du FMESPP au-delà des établissements de santé et des groupements de coopération sanitaire pour viser les structures d’exercice coordonné (équipes de soins primaires, communautés professionnelles territoriales de santé, centres de santé, maisons de santé) ainsi que les établissements et services médico-sociaux mentionnés à l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles,

− Des dépenses financées par le fonds qui relèveront des actions ayant pour objet la modernisation, l’adaptation ou la restructuration des systèmes d’information de l’offre de soins et de l’offre médico-sociale,

− L’alignement des délais de déchéance des crédits du fonds supérieurs à 1 an avec les calendriers d’exécution des projets (renvoie à un décret pour en définir les modalités),

− Enfin, concernant les ressources de ce nouveau fonds issues de la branche maladie : principe de leur constitution également par une dotation de la nouvelle branche autonomie, en cohérence avec l’élargissement de son périmètre aux établissements médico-sociaux et son caractère transversal.

Apports des débats à l’Assemblée nationale et au Sénat 

 Les débats devant l’Assemblée nationale comme au Senat vont se cristalliser autour des questions portant sur les bénéficiaires du fonds et l’exigence d’interopérabilité des logiciels informatiques en cas de demande de financement.

Les structures d’exercice coordonnée maintenues comme bénéficiaires du FMIS

Si l’extension du bénéfice du FMIS aux territoires de Saint-Barthélemy et Saint Martin introduit par le Sénat, maintenu par l’Assemblée nationale ne va pas poser débat, il n’en n’aura pas été de même concernant les structures pouvant bénéficier du fonds.

En effet, le Sénat va adopter deux amendements identiques de Mr Alain Million, Mme Florence Lassarade et plusieurs de leurs collègues du groupe Les républicains visant à supprimer la référence aux « équipes de soins primaires, communautés professionnelles territoriales de santé, centres de santé, maisons de santé » comme structures d’exercice coordonné pouvant bénéficier du fonds d’investissement, afin d’ouvrir cette référence à l’exercice coordonné aux cabinets libéraux.

Maintenant son avis exposé en Commission des affaires sociales en première lecture à l’Assemblée nationale, le rapporteur général, Mr Thomas Mesnier va s’opposer fermement à l’élargissement du périmètre des structures d’exercice coordonné voté par le Sénat – et donc par conséquent à l’extension du FMIS au financement de l’investissement des cabinets libéraux – au motif que « des aides à l’investissement existent déjà pour les médecins libéraux, et, si elles doivent se développer, c’est avant tout dans le cadre conventionnel ».

Interopérabilité des logiciels informatiques

 Absent du PLFSS dans la version déposée, l’interopérabilité des logiciels informatiques dans le cadre des dépenses engagées pour la transformation et la modernisation des systèmes informatiques va, à l’occasion de propositions soutenues par des parlementaires appartenant à la majorité présidentielle en la personne de Mme Stéphanie Rist et de ses collègues du groupe La République en Marche, contre l’avis parfois du gouvernement, du rapporteur de la Commission des affaires sociales à l’Assemblée nationale  faire l’objet de débats devant les deux assemblées.

Ainsi, dès l’examen de l’article en séance publique en première lecture devant l’Assemblée nationale deux amendements vont être adoptés et porter :

− Pour l’un avec avis favorable de la Commission des affaires sociales et du Gouvernement conditionnant le financement des dépenses engagées pour la transformation et la modernisation des systèmes informatiques  à une exigence d’interopérabilité des logiciels, ;

− Pour l’autre, avec cette fois un avis défavorable de la même commission et du Gouvernement, la possibilité offerte aux établissements publics de santé de refuser, lors de l’utilisation de ces financements pour l’achat de logiciels informatiques, le paiement de la facture lorsque les référentiels d’interopérabilité ne sont pas respectés.

Ce dernier sera supprimé par le Sénat suite à l’adoption d’un amendement de suppression soutenu par M. Martin Lévrier et ses collègues du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants. L’ avis du gouvernement sera favorable à cette suppression, le rapporteur considérant notamment la disposition ainsi introduite comme contraire au droit des marchés publics.

Mme Stéphanie Rist soutenue par des parlementaires va alors lors des ultimes débats devant l’Assemblé nationale revenir sur le sujet pour arracher un vote favorable et obtenir que l’interopérabilité des logiciels soit l’un des critères pris en considération par l’établissement public de santé dans le cadre de l’attribution d’un marché.

Sera rappelé et mis en exergue au soutien de la discussion :

− « Une crise sanitaire qui aura mis en évidence la nécessité d’une meilleure coopération entre les professionnels de la santé. Sur le terrain, le manque d’interopérabilité entre logiciels fait toutefois obstacle à ce travail en commun ». (Mme Stéphanie Rist)

− Mr Paul Christophe fera état des difficultés rencontrées pour remplir les DMP, les dossiers médicaux partagés, liés à ce déficit d’interopérabilité ; de ses discussions sur cette question avec des cabinets de radiologie, dont il aura appris que cette option n’existe pas dans leurs logiciels, il dira qu’ « adopter cet amendement permettrait donc d’obliger les éditeurs à implémenter leurs logiciels avec des dispositifs d’interopérabilité. La mesure ne constituerait pas une charge pour les établissements ni pour les particuliers mais rendrait notre système de santé plus efficace. »

− Mr Philippe Vigier soulignera que « pour qui connaît les difficultés informatiques rencontrées dans les hôpitaux, il apparaît évident que l’interopérabilité entre les systèmes d’information de la santé doit être une exigence absolue. Dans le cas contraire, l’organisation continuera à ressembler aux tuyaux d’un orgue : chacun dépense beaucoup d’argent pour des systèmes qui ne communiquent pas. C’est pour cette raison que le fameux DMP, ce dossier attendu depuis si longtemps qui doit rassembler toutes les informations médicales, ne fonctionne toujours pas. L’interopérabilité est à la base de tout. Si on ne la met pas en place, l’échec est assuré. L’inscription dans la loi de l’interopérabilité parmi les critères d’attribution d’un marché public me semble frappée au coin du bon sens. La refuser reviendrait à assumer pour longtemps des dépenses inutiles. »

 − Enfin pour Mme Marie Tamarelle – Verhaege « il y a là un enjeu majeur. Comme cela a été très bien expliqué par mes collègues, l’exigence d’interopérabilité n’a rien d’évident et, pour la satisfaire, il ne suffit pas de se fier à la bonne volonté des opérateurs. L’absence d’interopérabilité entre les MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées, constitue ainsi un vrai problème qui nuit à leurs usagers. Par ailleurs, faute d’obliger un éditeur à garantir l’interopérabilité de son logiciel, on risque de lui laisser la mainmise sur le marché au moment où des produits concurrents apparaîtront. L’adoption de l’amendement me semble donc indispensable. »

Le rapporteur Mr Thomas Mesnier fera valoir, sans succès, que l’article 26 prévoit déjà « que l’interopérabilité des logiciels soit une condition au financement des dépenses engagées pour la transformation et la modernisation des systèmes informatiques. Si les exigences d’interopérabilité doivent, à l’évidence, être prises en considération par les professionnels et par les structures en tant que critères dans le cahier des charges et dans l’achat des logiciels avant tout paiement, il me semble que leur inscription comme critère d’engagement des marchés publics serait redondante avec la mesure déjà adoptée en première lecture. Par ailleurs, en modifiant les règles applicables aux marchés publics, on s’éloignerait trop du champ de l’article 26 et même de celui des lois de financement de la sécurité sociale. C’est bien le code des marchés publics qu’il faudrait modifier. »

Voté, cet article contient désormais :

− L’exigence d’interopérabilité, exclusivement concernant les logiciels informatiques au financement des dépenses engagées pour la transformation et la modernisation des systèmes informatiques.

A cet égard nous nous devons de faire observer que « interopérabilité » et « financement » (aides conditionnées) sont régulièrement évoquées à l’occasion des diverses discussions nées de l’agacement d’un virage numérique dont on a considéré qu’il tardait trop à être pris. En effet, outre de nombreux rapports pointant cet obstacle (celui de l’interopérabilité) l’inscription dans la loi d’une corrélation entre « financement » et « interopérabilité » est inscrite dans le code de la santé publique, à la faveur d’amendements sénatoriaux lors de la discussion du projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé. Nous faisons là référence à l’article L 1110-4-2 – II [ii] introduit au code de la santé publique par la loi 2019-774 du 24 juillet 2019 en vertu duquel est conditionné à des engagements de mise en conformité aux référentiels d’interopérabilité dans les conditions prévues au I ( i.e La conformité d’un système d’information ou d’un service ou outil numérique en santé aux référentiels d’interopérabilité est attestée dans le cadre d’une procédure d’évaluation et de certification définie par décret en Conseil d’Etat) l’attribution de fonds publics tels que ceux  dédiés au financement d’opérations de conception, d’acquisition ou de renouvellement de systèmes d’information ou de services ou outils numériques en santé mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 1110-4-1. » L’entrée en vigueur de ce dispositif est soumis à la publication d’un décret ; il interviendra en tout état de cause au plus tard le 01 janvier 2023[iii].

− Lors de l’utilisation de ces financements pour l’achat de logiciels informatiques par les établissements publics de santé, l’interopérabilité des logiciels informatiques doit être l’un des critères d’attribution du marché.

Le Conseil constitutionnel n’ayant pas été saisi sur la PLFSS votée seul l’avenir et la manière dont les acteurs de terrain se saisiront, ou non d’ailleurs, des principes inscrits dans cet article 26 (désormais 49 de la Loi de financement de la sécurité sociale de 2020 pour 2021) nous éclaireront. « Cavalier social », modifications rendues obligatoire du code de la commande publique ?

Focus sur le Conseil national de l’investissement en santé – Une proposition du Sénat rejetée par l’Assemblée nationale

Les conclusions du Ségur de la santé prévoient de remplacer le Comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins hospitaliers (COPERMO), qui instruit et valide actuellement les investissements hospitaliers, « par un conseil national de l’investissement en santé, porteur d’une nouvelle approche fondée sur l’équité territoriale, le conseil et l’association des élus locaux à la prise de décision ».

 Adoptant un amendement de sa Commission des affaires sociales le Sénat considérant que la création annoncée mérite d’être entérinée au niveau législatif et non simplement par voie réglementaire, va attribuer pour mission à ce nouveau Conseil national de l’investissement en santé d’assurer un rôle de pilotage et de coordination de la sélection des projets financés par le FMIS, sa composition (notamment de représentants d’élus locaux) ainsi que les modalités de son fonctionnement étant fixées par voie réglementaire.

Cet amendement fera l’objet d’un rejet pur et simple par l’Assemblée nationale en dernière lecture.

Texte réglementaire à modifier 

Le décret n°2013-1217 du 23 décembre 2013 relatif au fonds pour la modernisation des établissements de santé publics et privés devra être modifié afin de tenir compte des évolutions induites par l’article 49 de la LFSS pour 2021, ce qui devrait être fait début 2021.

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[i] Cf. Etude d’impact conduite dans le cadre de la proposition d’évolution du FMESPP en FMIS –
[ii] Les fonds dont il est fait mention dans cet article sont à l’époque ceux issus notamment du fonds régional d’intervention (FIR) ou des grands programmes ministériels tels que le plan « Hôpital numérique » (HOP’EN), du plan « e-parcours », ou encore celui lié à l’incitation financière pour l’amélioration de la qualité (Ifaq) 
[iii] Le délai de trois ans consenti devait permettre à l’ensemble des acteurs du secteur du numérique en santé de se mettre en ordre de marche, avec une date butoir fixée au 1er janvier 2023 qui leur laisse une marge d’anticipation.
Publication par l’ARS Bretagne du bilan 2019 du PRS 2018- 2022

Publication par l’ARS Bretagne du bilan 2019 du PRS 2018- 2022

 « Un schéma régional de santé doit pouvoir être suivi pour être évalué. Les thèmes du SRS disposent d’un indicateur par chantier qui permettra de constater annuellement la progression des objectifs que l’Agence se fixe pour les cinq prochaines années. D’autres modalités d’évaluation complémentaires pourront être développées. » 

C’est en ces termes que le principe du suivi régulier de la mise en œuvre du SRS s’est trouvé introduit dans les premières pages de cet « outil de planification » en échos aux dispositions de l’article R 1434-8 du Code de la santé publique[i].

Méthode adoptée

 « A la suite d’une concertation importante, tant interne qu’externe, une méthode d’évaluation du PRS 2 a été arrêtée conjointement lors de la CRSA de mars 2019. (…)

Le programme d’évaluation du PRS a été organisé autour de la réponse à 7 questions dans lesquelles sont identifiées des priorités organisationnelles qui sont plus particulièrement suivies. (…)

Des actions, choisies pour leur état d’avancement, leur éventuel caractère innovant et/ou territorialisé, font l’objet de focus. Des indicateurs quantitatifs et des études peuvent compléter ces éléments. (…) »

 Au titre des focus qui ont retenus tout notre intérêt nous citerons les accompagnements à :

– la création de 9 nouveaux centres de santé médicaux ou polyvalents

– 7 projets de CPTS par l’ARS, l’assurance maladie et les URPS

– l’analyse des événements indésirables associés aux soins (EIAS)dans les maisons de santé pluriprofessionnelles

Enfin, l’ARS précise que cette « évaluation a pour objectif de permettre d’ajuster l’action de l’agence et de préparer le PRS 3 », la publication tardive de ce bilan de travaux menés en 2019 analysés et mis en avant n’ayant d’autre explication que la gestion de crise sanitaire liée au Covid-19, l’éventualité d’indicateurs quantitatifs et d’études pouvant venir compléter cet ensemble étant par ailleurs évoquée.

Consulter ici le Bilan 2019 publié par l’ARS Bretagne – Septembre 2020

[i] Article R1434-8 du code de la santé publique

« L’agence régionale de santé précise les modalités de suivi et d’évaluation des dispositions prévues par le schéma, notamment en ce qui concerne l’efficience de ses dispositions.

Le schéma régional de santé est révisé, après évaluation de l’atteinte de ses objectifs au moins tous les cinq ans. »