Retour sur les conditions fixées à l’article L 6122-9-1 et R 6122-31-1 du code de la santé publique – Régime juridique de ces autorisations qualifiées de « dérogatoires »
En vertu de l’article L 6122-9-1 du code de la santé publique :
« Par dérogation aux dispositions des articles L. 6122-2, L. 6122-8 et L. 6122-9, en cas de menace sanitaire grave constatée par le ministre chargé de la santé dans les conditions prévues à l’article L. 3131-1, le directeur général de l’agence régionale de santé peut autoriser pour une durée limitée un établissement de santé à exercer une activité de soins autre que celle au titre de laquelle il a été autorisé.
Cette implantation n’est pas comptabilisée dans les objectifs quantifiés de l’offre de soins. »
Quant à l’article R 6122-31-1 du code de la santé publique :
« Le directeur général de l’agence régionale de santé peut accorder l’autorisation dérogatoire prévue à l’article L. 6122-9-1 à un ou à plusieurs établissements de santé, avec effet immédiat et pour une durée qui ne peut être supérieure à six mois.
Il informe la commission spécialisée de la conférence régionale de santé et de l’autonomie compétente pour le secteur sanitaire de l’autorisation ainsi accordée.
L’autorisation peut être renouvelée, pour six mois au plus, après avis de la même commission spécialisée de la conférence régionale de santé et de l’autonomie compétente pour le secteur sanitaire. »
- Ainsi, sous condition de menace sanitaire grave constatée (indéniable en l’état), autorisation peut être accordée par le DGARS dérogeant aux règles dévolues ordinairement es régime juridique des autorisations, soit celles relevant des articles :
> L 6122-2 (conditions attachées à la demande : réponse aux besoins de santé, compatibilité avec les objectifs du SRS ; satisfaction aux conditions d’implantation et techniques de fonctionnement…)[2] ,
> L 6122-8 (autorisation qui ne peut être inférieure à 7 ans ; fixation d’objectifs quantitatifs et qualitatifs dans l’autorisation en l’absence de CPOM …)[3]
> L 6122-9 (avis de la commission spécialisée de la CRSA, bilan préalable à l’ouverture de la fenêtre de dépôt, demandes déposées dans le cadre des périodes ouvertes, délais d’instruction, obligation de motivation…) du code de la santé publique. [4]
En d’autres termes et compte tenu des circonstances : absence, parce que inappropriées à la situation : de l’examen des demandes au regard des conditions fixées à l’article L 6122-2 ; durée de l’autorisation dont on rappelle qu’en « droit commun » des autorisations elle ne peut être inférieure à 7 ans (cf. article L 6122-8 du csp) ; absence de demande d’avis de la commission spécialisée de la CRSA, demandes « hors fenêtre », délais d’instruction resserrés etc … (cf. article L 6122-9 du csp).
Quant à la question du contenu des dossiers déposés : silence, mystères et boules de gomme !
Ainsi, et ceci exposé :
- Les autorisations dérogatoires se trouvent enserrées dans des délais de mise en œuvre (immédiats pour la plupart des cas) sur une durée extrêmement courte (selon les régions : 3 mois, 4 mois ou encore 6 mois).
- N’étant pas comptabilisées dans les objectifs quantitatifs de l’offre de soins, elles ne devraient pas figurer aux bilans préalables aux fenêtres de dépôt à venir. A ce propos, 3 ARS ont d’ores et déjà pris des arrêtés portant réaménagement du calendrier de dépôt des demandes d’autorisation et de renouvellement. Il s’agit des régions Ile de France, Grand Est et Auvergne – Rhône Alpes.
Dispositif dérogatoire donc, l’urgence guidant les décisions prises.
La lecture des décisions des différentes ARS révèle une hétérogénéité du contenu des décisions ; surtout un dispositif, dont on a eu l’intuition, au plus haut niveau de l’Etat, de son impérieuse nécessité mais que seule, comme souvent la confrontation à la réalité, à la « mise en situation » permettra demain d’en affiner les contours.
A ce titre, 3 items nous ont alerté, questionné : celui lié aux autorisations dérogatoires et l’association au service public hospitalier qui a pu en découler dans certaines régions ; la question des visites de conformité ; sans oublier celle des voies de recours évoquées par les ARS dans leurs décisions.
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Autorisations dérogatoires et association au service public hospitalier
Deux seules ARS à notre connaissance (Hauts de France, Occitanie) lient autorisation ( pour des activités aussi bien de réanimation, que de médecine ou encore pour un scanner) délivrée aux établissements de santé privés (ESPIC, cliniques privées) et association au service public hospitalier, tel que mentionné à l’article L 6112-5 du code de la santé publique, ce qui a pour conséquence notamment que les patients pris en charge disposent d’une garantie d’absence de facturation de dépassements des tarifs fixés par l’autorité administrative et des tarifs des honoraires prévus au 1° du I de l’article L 162-14-1 du code de la sécurité sociale.
Il nous semble intéressant de reproduire ici in extenso cet article :
« Les établissements de santé privés autres que ceux mentionnés aux 3° et 4° de l’article L. 6112-3 qui sont autorisés à exercer une activité de soins prenant en charge des patients en situation d’urgence sont associés au service public hospitalier.
Tout patient pris en charge en situation d’urgence ou dans le cadre de la permanence des soins dans ces établissements bénéficie, y compris pour les soins consécutifs et liés à cette prise en charge, des garanties prévues au I de l’article L. 6112-2 du présent code, notamment de l’absence de facturation de dépassements des tarifs fixés par l’autorité administrative et des tarifs des honoraires prévus au 1° du I de l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale.
L’établissement associé au service public hospitalier s’assure, par tout moyen, que les patients pris en charge en situation d’urgence ou dans le cadre de la permanence des soins sont informés de l’absence de facturation de dépassements des tarifs des honoraires.
Lorsque ces obligations ne sont pas respectées, l’autorisation mentionnée au premier alinéa du présent article et l’association au service public hospitalier qui en découle peuvent être suspendues ou retirées, dans les conditions prévues à l’article L. 6122-13 du présent code.
Un avenant au contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens précise les conditions d’application du présent article et les modalités de coordination avec les autres établissements de santé du territoire ».
Ainsi, c’est au seul motif que les patients soient pris en charge en situation d’urgence dans ces établissements quel que soit la modalité que l’association au service public se justifie. Pourquoi pas.
Que cela s’attache également aux cas de l’autorisation dérogatoire d’un EML, cela surprend car le texte en l’espèce vise expressément et exclusivement l’autorisation d’exercice d’une activité de soins.
Pour rappel et en vertu des dispositions de l’article L 6122-4 du code de la santé publique : « Le directeur général de l’agence régionale de santé peut décider qu’il sera fait une visite de conformité dans les six mois suivant la mise en œuvre des activités de soins ou des structures de soins alternatives à l’hospitalisation ou la mise en service de l’équipement matériel lourd. Dans cette hypothèse, il notifie sa décision au titulaire de l’autorisation dans le mois suivant la réception de la déclaration de commencement d’activité. A défaut de notification dans ce délai, le directeur général de l’agence régionale de santé est réputé renoncer à diligenter cette visite. »
En l’état des circonstances, des délais, des durées des autorisations la logique, le pragmatisme conduirait à penser que ces visites ne seront diligentées ; c’est ce que l’on pourrait comprendre des arrêtés pris par l’ARS Ile de France qui évoquent des « échanges entre l’Agence régionale de santé Ile-de-France et la direction de l’établissement ont permis de vérifier le respect des conditions techniques de fonctionnement prévues et de les juger satisfaisantes au regard du profil des patients transférables ».
En sera-t-il de même dans toutes les régions ? la question se pose d’autant qu’il n’est expressément mentionné à l’article L 6122-9 du code de la santé publique la dérogation aux dispositions de l’article L 6122-4 du code de la santé publique.
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Voies de recours
Observations liminaires :
Nous n’avons pas connaissance de décision publiée portant rejet de demandes d’autorisation, ce qui conduit à considérer que seuls les recours dits de « tiers » trouveront « dans les faits » à s’appliquer, les promoteurs privilégiant la voie du recours gracieux auprès de l’ARS aux fins de ménager leurs rapports avec la tutelle dans de pareilles circonstances, notamment.
La durée parfois très courte (3 mois) attachée à certaines autorisations, d’autant plus si elles devaient ne pas être renouvelées, ne peut qu’interroger sur l’utilité de tels recours par les tiers, sauf à mettre en exergue l’appréciation parfois inexacte, l’absence de pertinence de certaines décisions par les ARS.
Pour ce qui concerne les voies et délais de recours : en l’absence de prescriptions particulières venant déroger aux règles ordinaires, ces voies restent celles attachées aux délais du recours hiérarchique et du recours contentieux « ordinaires », soit de 2 mois pour chacun, étant rappelé que le recours hiérarchique ne constitue pas un préalable au recours contentieux.
Modalités de mise en œuvre : En application du Titre II de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période les délais et procédures en matière administrative (les délais relatifs à des décisions ou avis) dont le terme expire après le 12 mars ou dont le point de départ est fixé entre le 12 mars et le 24 juin, sont suspendus jusqu’au 24 juin 2020[5]. Ils recommencent à courir à compter de la fin de cette période pour leur durée initiale, dans la limite de deux mois, soit jusqu’au 25 août 2020.
En d’autres termes :
Les délais échus postérieurement au 12 mars 2020 sont prorogés jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, soit jusqu’au 24 juin 2020.
Les points de départ de délais intervenant dans ce délai sont reportés à la fin de cette même période
Cette règle du report du délai de recours ne signifie pas que les recours ne peuvent être introduits durant cette période[6], devant le Ministre des Solidarités et de la santé concernant le recours hiérarchique, devant le tribunal administratif compétent pour tout recours contentieux, et ce à compter de la notification de la décision pour le promoteur, ou de la publication au recueil des actes administratifs pour les tiers.